Jugé «raciste», son périple au Congo a été chassé des rayons pour enfants.
En dépit des vœux de son défunt créateur Hergé, Tintin connaît aujourd'hui de nouvelles aventures dont il se serait bien passé.
Le groupe américain Borders vient en effet de demander à toutes ses librairies en Grande-Bretagne de retirer Tintin au Congo des rayons enfants pour le transférer dans le secteur BD pour adultes. Les raisons de ce déménagement? Un lecteur londonien s'est plaint auprès de la Commission pour l'égalité raciale (CRE) au sujet du contenu «raciste» de l'ouvrage.
«Préjugés abominables»
Prenant en compte la requête, la CRE a indiqué que la vente de cet album «dépassait l'entendement» dans la mesure où il présente des «éléments potentiellement très choquants». Elle a ajouté que l'ouvrage «contient des images et des dialogues porteurs de préjugés racistes abominables, où les «indigènes sauvages» ressemblent à des singes et parlent comme des imbéciles».
Publié en 1930-1931 en feuilleton dans le journal belge Le Vingtième siècle, Tintin au Congo a déjà fait par le passé l'objet de quelques remaniements. Juste après la guerre, Hergé avait effacé toutes les références au catholicisme et dénationalisé son propos. La Belgique était alors un empire colonial.
Péché de jeunesse
Au début des années 1960, décolonisation oblige, Casterman avait jugé bon de ne pas rééditer cet album pourtant vendu à 800 000 exemplaires. Hergé lui-même s'était expliqué sur ce qu'il considérait comme une «erreur de jeunesse».
«C'était en 1930, je ne connaissais de ce pays que ce que les gens racontaient à l'époque», devait-il confier lors d'un entretien accordé en 1969. «Il se fait que j'étais nourri des préjugés du milieu bourgeois dans lequel je vivais. En fait, Les Soviets et le Congo ont été des péchés de jeunesse. Ce n'est pas que je les renie, non. Mais enfin, si j'avais à les refaire, je les referais tout autrement, c'est sûr».
Si la polémique n'est donc pas nouvelle, c'est la première fois qu'elle se traduit par une décision de cet ordre. Elle confirme la tendance actuelle, venue des Etats-Unis, qui consiste à «observer le passé avec les lunettes du présent». Lucky Luke avait déjà fait les frais de cette relecture en se voyant contraint de renoncer à sa fameuse cigarette.
Reste à savoir si les associations de défense des animaux comptent emboîter le pas. Dans Tintin au Congo, le reporter en culottes de golfeur a en effet la gâchette facile?